Paris Musées est entré en fonction le 12 juillet 2012

Nous vous avions annoncé la création d’un établissement public des musées de la ville de Paris, il est effectif depuis le 12 juillet 2012 a annoncé la mairie de Paris dans un communiqué de presse. L’établissement reprend l’appellation Paris Musées, anciennement entité privée chargée des expositions et intégré à la nouvelle structure.

Le 12 juillet a eu lieu un premier conseil d’administration qui a élu Anne Hidalgo présidente, Danièle Pourtaud, vice-présidente et Delphine Lévy directrice générale.
La gestion des musées devrait être effective le 1er janvier 2013.

Les gravures de Martial 1 – Adolphe Potémont

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En trois parties, nous allons présenter les eaux-fortes réalisées par Martial en 1862 sur les Catacombes de Paris.

Avant la parution des Inscriptions des Catacombes de Paris, deux personnes avaient publié un inventaire de ces sentences : Héricart de Thury dans sa Description des Catacombes de Paris et Abel Lemercier avec sa Liste complète des inscriptions françaises, latines, grecques, italiennes, suédoises gravées dans les catacombes de Paris (voir pages 33-36 de notre ouvrage à ce sujet).
Dans les deux cas, les auteurs respectifs voulaient agrémenter, l’un son livre, l’autre son opuscule, de gravures – 8 pour le premier, 3 pour le second. Malheureusement, toujours dans les deux cas et pour différentes raisons, les illustrations ne furent pas jointes.
Pour la Description d’Héricart, c’est l’incompatibilité des formats (les dimensions du livre sont à peu près deux fois plus petites que celles des gravures originales), tandis que pour Lemercier, nous n’en connaissons pas les raisons puisqu’il précise que “le format de ces vues permettrait de les joindre à cette notice” (ce qui est vrai pour deux des trois gravures, la dernière, deux fois plus grande que l’inventaire, aurait beaucoup perdu à être réduite).

Martial

Les trois eaux-fortes qu’Abel Lemercier aurait voulu joindre à sa Liste complète des inscriptions… ont été réalisé par Adolphe Théodore Jules Martial Potémont, dit “Martial”, “Adolphe Martial”, “A.P. Martial” ou encore “Martial-Potémont”.
Né le 10 février 1807 à Paris, Martial est passé à la postérité pour plusieurs séries de gravures et quelques-unes de ses peintures, même s’il fut moins prolixe dans cette activité.
Dans les années 1830, il est l’élève de Léon Cogniet et de Félix Brissot de Warville qui lui donnent une formation classique : peinture d’histoire, portrait et paysage et l’initient à la lithographie, qu’il débute vraisemblablement vers 1840.
Il séjourne à La Réunion (nommée île Bourbon jusqu’en 1848) de 1847 à 1857 où il réalise plusieurs albums de lithographie consacrée à La Réunion, à Maurice et à Madagascar dont Souvenir de l’Ile Bourbon, Le soir, Type de…, Album de la Réunion, Souvenir de l’Ile de la Réunion, etc. Ces gravures sont un témoignage extrêmement riche de la vie dans ces îles au milieu du XIXe siècle (le musée Léon Dierx de Saint-Denis de la Réunion vient d’ailleurs de lui consacrer une exposition intitulée Potémont Voyages dans les îles de l’océan Indien – décembre 2011-avril 2012).


Le Pont-Neuf par Martial en 1852 (source Gallica)

Une fois rentré en métropole, il réalise plusieurs séries de gravures sur Paris dont 300 eaux-fortes pour L’Ancien Paris entre 1843 et 1866 ; Les jolies femmes de Paris en 1870 ; Les Femmes de Paris pendant le siège, Les Prussiens chez nous et Paris sous la Commune en 1871 ; Les boulevards de Paris en 1877, etc.
Il participe aussi au salon de Paris pendant de nombreuses années.
Si sa dernière œuvre majeure (1880) est la réalisation de 57 planches des Contes et nouvelles en vers de Jean de La Fontaine, d’après les dessins d’Honoré Fragonard, il faut mentionner son Nouveau traité de la gravure à l’eau-forte de 1873 dans lequel il donne de nombreux conseils techniques.
Il décéde à Paris le 14 octobre 1883 d’une attaque d’apoplexie. Ces gravures originales se trouvent à la Bibliothèque Nationale, dans les collections de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts et chez de nombreux collectionneurs privés. Aujourd’hui, ses œuvres se retrouvent régulièrement dans les salles de vente aux enchères..

Les gravures des Catacombes

Les trois vues des Catacombes réalisées à l’eau-forte par Martial l’ont été en 1862 (comme le précise le Journal général de l’imprimerie et de la librairie de cette même année) et sont intitulées Catacombes : Fontaine de la Samaritaine, Catacombes : Tombeau de Gilbert et Ossuaire des Catacombes.
Dans sa Liste des inscriptions… Lemercier indique “Trois eaux-fortes, par A. P. Martial, représentent l’entrée et deux vues des Catacombes”. Nous supposons que “l’entrée” correspond en fait à la gravure intitulée Ossuaire des Catacombes. A moins qu’il n’existe une quatrième gravure représentant l’entrée ? Ce serait d’autant plus surprenant que Lemercier est la seule personne à mentionner cette “entrée des Catacombes”…
Les trois gravures sont inspirées de quatre photographies de Nadar réalisées en 1861 :
Catacombes : Fontaine de la Samaritaine (NPS44 – inventaire de 1982 de la Caisse nationale des monuments et des sites – ou NDR 011164G – inventaire de la médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, et cliquez sur “Rechercher”) ;
Catacombes : Tombeau de Gilbert (NPS34 ou NDR 011154G) ;
Ossuaire des Catacombes (NPS51-NPS7 ou 011170G-011127G).
Martial est-il descendu dans les Catacombes ou s’est-il seulement inspiré des photographies de Nadar ? Nous n’avons trouvé aucune information mais quelques éléments peuvent laisser penser que ce n’est pas le cas.

Suite de l’article : Les gravures de Martial 2 – Les Catacombes de Paris

Le baptême des élèves de l’École des Mines

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Baptême des élèves de l'École des MinesEducPros.fr, le site du groupe l’Étudiant, vient de consacrer un petit article à la galerie de promotion de l’École des Mines.

A la fin du texte, un lien renvoie vers l’article de Gilles La fa(r)ce cachée des Grandes Écoles : les « catacombes » offertes à leurs élèves ! paru sur le site In Situ, Revue des patrimoines, hébergé par le remarquable projet Revue.org du Cléo (Centre pour l’édition électronique ouverte).

C’est l’occasion unique d’en savoir beaucoup plus sur le baptême des élèves de l’École des Mines dans les anciennes carrières souterraines et dans l’Ossuaire des Catacombes de Paris, comme cet intriguant cliché d’avant 1994 réalisé par Olivier Faÿ (co-auteur de Les souterrains de Paris – Légendes, mystères, contrebandiers, cataphiles… avec Günter Liehr)…

Visitez les Catacombes aujourd’hui !

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Dans son film semi-autobiographique de 2007, 2 days in Paris, Julie Delpy (via son personnage Marion) et Adam Goldberg (Jack, son amoureux du moment), veulent visiter le cimetière du Père Lachaise et les Catacombes de Paris lors de leur séjour dans la capitale.
Arrivés place Denfert-Rochereau, l’Ossuaire est exceptionnellement fermé à la visite pour une raison technique, comme l’indique visiblement les nombreuses affiches informatives apposées sur la porte d’entrée. Marion est très déçu de ne pouvoir emmener Jack « dans un de ses endroits préférés à Paris ».


Les affichettes (réelles) dans la fiction

La fiction s’est inspirée de la réalité puisque cela arrive de temps à autre, ce qui est d’ailleurs le cas actuellement. En effet, le parcours de visite est amputé du tiers de sa longueur depuis quelques jours comme le précisent avec honnêteté deux affichettes, l’une en français, l’autre en anglais.
La galerie des sculptures de Décure est à nouveau fermée pour des travaux de consolidation (un morceau du ciel s’est récemment effondré à terre et celui-ci nécessite d’être purgé pour des raisons de sécurité).
Et la galerie des fontis (entre la sortie de l’Ossuaire et l’escalier de sortie des Catacombes) est fermée à cause d’une fuite d’eau conséquente au niveau du premier des deux fontis pédagogiques.

L’affichette en français précise bien les raisons pour lesquelles le trajet est réduit

Si le prix n’a pas été revu à la baisse – une remise de quelques euros serait justifiée – nous vous conseillons vivement d’en profiter pour découvrir la galerie de sortie de secours qui sert momentanément de sortie principale.


Sur l’inscription 121D de notre inventaire, remarquez la très rare décoration sur la droite

Non seulement, elle possède une des inscriptions les plus emblématiques de l’Ossuaire (voir ci-dessus l’inscription 121D de notre ouvrage, page 84), mais en plus les visiteurs passent sous le puits de service par lequel était déversés les ossements et sortent par l’emplacement du terrain de la Tombe-Issoire (la fameuse maison de la « Tombe Isoire ou Isouard, sur l’ancienne route d’Orléans, dite aussi la Voie Creuse).
Comme l’indique Héricart, c’est à cet emplacement que “l’on fit, 1° un escalier de soixante-dix-sept marches pour descendre dans les excavations, à dix-sept mètres environ de profondeur, et 2° un puits muraillé pour la jetée des ossemens.
C’est dans cette propriété, appartenant toujours à la Ville de Paris et dépendant actuellement de la Direction des Espaces Verts de la municipalité, qu’après “la destruction de l’Église des Innocens et la conversion du cimetière en place publique, tous les tombeaux, les inscriptions, les croix, et autres monumens quelconques qui ne furent point réclamés par les familles, furent portés dans le préau de la tombe Isoire, pour y être rangés avec ordre autour de son enceinte”.

Parmi ceux-ci, un monument en forme d’obélisque dénommé la croix Gastine, est “remarquable par sa forme pyramidale, son architecture élégante, et sur-tout par un relief du ciseau de Jean Goujon” qui avait d’abord été élevée sur l’emplacement d’une maison appartenant à Philippe Gastine un riche marchand de Paris, après que sa maison fût rasée et lui condamné à être pendu pour avoir tenu en 1571 chez lui des réunions contre les édits du roi.
Dans le cimetière elle se trouvait du côté de la rue Saint-Denis, en vis-à-vis de la première arcade des charniers, marquant la tombe de Nicolas Hennequin bourgeois parisien décédé en 1556. Transportée au milieu de la cour de la Tombe Issoire, on plaça autour plusieurs cercueils en plomb dont celui de Madame de Mailly, maîtresse de Louis XV décédée en 1751 qui avait demandé que son corps repose au pied de la croix des Innocents.
Cette propriété de la Tombe Issoire ayant été vendue comme bien national pendant la Révolution française, tous les monuments (en pierre, marbre) ont été alors enlevés, détruits ou réutilisés. Quant aux métaux (bronze, plomb, cuivre et fer) ils ont été fondus pour un usage militaire dont la Révolution avait grand besoin.
Héricart s’enthousiasmait lors de l’écriture de sa Description des Catacombes de Paris, pour cette croix Gastine, seule et unique rescapée des monuments provenant des Innocents, qualifiant cette croix de “pièce, malheureusement très-rare, [qui] est d’autant plus intéressante aujourd’hui”.
Peut-être savait-il que cette croix avait été récupérée [1] par la princesse de Monaco pour être placée dans le parc de son château à Betz – propriété située à moins d’une dizaine de kilomètre de Thury-en-Valois où se trouvait le château et le domaine d’Héricart de Thury !
Le parc de Betz est actuellement la propriété du roi du Maroc et ses services diplomatiques interdisent malheureusement toute visite !
La croix Gastine a été carte-postalisée sous le nom d’Obélisque des tombeaux des sires de Crépy.
Ici la croix Gastine par Charles-Louis Berthier en 1786 (Gallica).

Nous n’avons aucune information quand à la durée des travaux et à l’utilisation de la sortie de secours comme sortie principale. Si vous vous déplacez spécialement pour voir cette galerie, nous vous conseillons de demander aux gardiens ce qu’il en est avant de faire la queue…

[Mise à jour du 20 juillet 2012]
Les travaux ayant été effectués, la sortie se fait de nouveau par la rue Rémy Dumoncel.

[1] Voir à ce sujet Paris déplacé, du XVIIIe siècle à nos jours (architecture, fontaines, statues, décors), par Ruth Fiori aux éditions Parigramme (2011) qui en parle comme le premier des monuments déplacé hors la capitale.

Parmi les adresses de Jean-Charles de Castelbajac…

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Jean-Charles de Castelbajac recommande les Catacombes de Paris
Jean-Charles de Castelbajac donne ses adresses parisiennes au JDD

Comme nous l’avons déjà précisé dans plusieurs articles, l’attrait des Catacombes est toujours aussi fort depuis leur création en 1809.
Hier, c’était le couturier Jean-Charles de Castelbajac qui, dans le Journal du Dimanche, recommandait de les visiter, précisant même « pour emmener des amis étrangers et voir le trouble que créent chez eux toutes ces vanités de Parisiens d’autrefois, parfois suppliciés« .

Le Journal du Dimanche, 24 juin 2012, page 56
Entretien mené par Sonia Desprez et réalisé par Gaspard Dhellemmes

Création de l’Établissement Public des Musées

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Comme nous l’indiquions dans l’article de présentation du musée des Catacombes de Paris, il fait partie des 14 musées de la ville de Paris.
Le 20 juin 2012, le Conseil de Paris a voté la création de l’Établissement Public des Musées, en lieu et place de l’ancienne organisation, suite à la présentation de Danièle Pourtaud (photo ci-contre), adjointe au Maire de Paris, chargée du Patrimoine et rapporteuse du projet.

La nouvelle structure juridique devrait s’intituler Établissement Public Paris Musées et devrait regrouper l’ensemble des activités muséales : la gestion des musées, de leurs collections et de leurs réserves, mais aussi la réalisation des catalogues et des expositions (dont s’occupait auparavant la société privée Paris Musées qui est intégrée à l’Établissement public).
Elle devrait prendre effet au mois de janvier 2013 et sera dirigée par Delphine Lévy (photo ci-dessous diffusée par Rémi Féraud). Pour information, les groupes socialistes et UMP des élus de la ville de Paris ont voté pour, le groupe communiste-divers gauches s’est abstenu.

D’après la mairie de Paris, ce changement devrait se traduire par la mise en place d’un conseil scientifique, une amélioration de l’accueil du public, une programmation plus ambitieuse et une augmentation des collections, etc.
Pour ce qui nous concerne, nous pensons qu’un travail de fond sur les Catacombes de Paris serait nécessaire. De nombreux points pourraient être améliorés pour rendre à ce monument son aspect d’antan. Quelques idées, « au débotté » mais qui mériteraient bien sûr réflexion et approfondissement.
Les renforcements sécuritaires, s’ils sont nécessaires, ont grandement défiguré les galeries. Les décorations d’ossements se sont dégradés au fil des ans et il est malheureusement très fréquent de constater de très nombreux trous à la place des crânes. Les plaques ont aussi beaucoup soufferts. Sans parler des disparitions, certaines sont à moitié (voir complètement) masquées par des confortations, d’autres pourraient retrouver leur lieu d’exposition d’origine.

Ce changement de statut permettra-t-il de redonner aux Catacombes l’apparence voulue par Héricart de Thury, enrichie par certains de ses successeurs mais dénaturée par d’autres ?

– Le projet de délibération (PDF)
L’annonce sur le site de la ville de Paris

Les décorations composées d’ossements

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Lorsque les ossements ont commencé à être transferrés en 1785 dans les anciennes carrières de la Tombe Issoire, Charles-Axel Guillaumot s’est contenté de les faire entasser avec une simple plaque pour rappeler leur origine.
C’est en 1809 qu’Héricart les fait “ranger avec autant d’art que de méthode” pour former des parois d’ossements décorées de crânes, comme il le précise dans un rapport du début de l’année 1810 [1].
C’est, a priori, avec la réalisation de la lampe Sépulcrale, l’une des premières volontés décoratives d’Héricart de Thury afin de rendre les Catacombes, qui ouvrent “officiellement” en juillet 1809, “digne de la vénération publique”.

Mais ces décorations d’ossements évolueront sans cesse, apparaissant, disparaissant, se transformant au fil des ans, très certainement selon la volonté du personnel de l’Inspection des carrières. Ainsi la modification la plus récente daterait des années 1980 ! En voici quelques-unes, parmi les plus originales réalisées dans les Catacombes.

Dès que l’on pénètre dans l’Ossuaire proprement dit, on circule entre deux hagues d’ossements constitués par tous les os longs (tibias, fémurs, etc.) dont on n’aperçoit que les apophyses [2]. Ces murs sont ornés de frises de crânes disposées à plusieurs hauteurs ; ces cordons horizontaux de crânes juxtaposés font saillie, et se détachent donc des surfaces verticales et planes des parois qu’ils « agrémentent » et décorent.
Voici la description que nous en donne Le Conducteur portatif de 1829 : « Les ossements sont symétriquement superposés et forment des plans alignés au cordeau entre les piliers qui soutiennent les voûtes des galeries. Trois cordons de têtes contiguës sont destinés à décorer ces singulières murailles et rompre leur uniformité et monotonie. Dans ce même ouvrage, l’on apprend par la même occasion que « L’autorisation de visite doit être signée de l’inspecteur général ou d’un des ingénieurs surveillants ».
La fontaine de la Samaritaine et les trois rangées de crâne vues par Cloquet
Une vue de la fontaine de la Samaritaine avec les trois rangées de crânes par Jean-Baptiste Cloquet, sixième des huit gravures réalisées pour la Description des Catacombes de Paris d’Héricart de Thury

Pratiquement tout de suite à gauche après avoir franchi le second linteau du vestibule, celui gravé de Memoriae majorum – inscription que l’on trouve également au revers du linteau de sortie (car pouvant autrefois servir également de porte d’accès) – le visiteur remarque très souvent sur le parement de gauche de la galerie un décor particulier réalisé avec des crânes : ceux-ci sont disposés en forme de cœur.
Décoration des Catacombes de Paris, un cœur composé de crânes
Un cœur composé de crânes, photo de Christophe Fouin pour le musée Carnavalet

Mais ce décor est beaucoup plus récent qu’il n’y paraît, car sur une photo prise par Nadar en 1860, on remarque qu’à la place de ce cœur se trouvait une plaque aujourd’hui disparue (1), indiquant des ossements en provenance directe du cimetière de Vaugirard (dit aussi “cimetière de l’Ouest”), et qui ont été déposés dans les Catacombes en septembre 1859 lors de l’élargissement du boulevard extérieur (inscription numérotée 209 dans notre inventaire au Cherche Midi ou 139 chez Lemercier). Cette plaque est donc restée moins d’une année dans cette galerie et était toujours visible à un autre endroit vers le milieu des années 1870 puisque relevé par Lemercier.
Sa forme rappelle celle signalant les ossements provenant de l’ancien cimetière Saint-Nicolas des Champs (inscription 104 G au Cherche Midi ; ou L 127), lesquels avaient été déposés de 1843 à 1846 dans ce même cimetière de l’Ouest avant d’être également transférées à la même date dans les Catacombes.
Dans la masse à gauche, étayée dorénavant par une maçonnerie (2) sur sa droite (sur laquelle est fixée la flèche réglementaire indiquant la sortie de secours la plus proche), on peut voir que l’emplacement réservé comme pour l’apposition d’une plaque, est vide comme c’est toujours le cas de nos jours.
Comparaison de l'emplacement des crânes en forme de cœur avec la plaque en 1860
La fissure (3) qui zigzague au plafond, visible sur les deux photos, est déjà remplie de ciment du temps de Nadar, tandis que la plaque gravée au loin (4) signale aussi des ossements provenant de l’église Saint-Nicolas des Champs (inscription 7 G au Cherche Midi ou L 137). Mais ils ne firent qu’un bref passage dans le cimetière de Vaugirard, puisque arrivés en 1859 ils en repartirent au mois de septembre de la même année pour l’Ossuaire. Si la plaque est entièrement recouverte de peinture blanche sur la photo du XIXe siècle, son piédestal est aujourd’hui en partie peint en noir [3].

Nous n’allons pas ici vous montrer par la photographie où se trouvait la « grande roue » (1) en crânes aujourd’hui disparue, puisque nous avons levé le mystère dans notre livre précédent (reportez-vous à la page 79 de mon ouvrage The Catacombs of Paris, paru chez Parigramme en juillet 2011).
Évolution de la crypte du Sacellum
La crypte du Sacellum en 1857, 1897 et 1968

Mais nous en rappelons néanmoins la disparition suite à une modification de la structure porteuse de renfort (2) située juste en face de l’autel où étaient concélébrée une messe le jour des Morts (donc le lendemain de la Toussaint) jusqu’au milieu des années 1970, messes qui étaient organisées par la paroisse Saint-Dominique auprès de laquelle il fallait s’inscrire préalablement pour y assister, le nombre de places étant forcément limité.

En revanche attachons-nous à un autre décor exceptionnel réalisé à l’aide de crânes et d’os longs dont les épiphyses [4] ont été mis en relief : une reproduction de la tour Eiffel ! Nous n’avons pas encore beaucoup d’information à son sujet mais tout ce que nous savons actuellement, c’est qu’elle fut visible dans les années 1920. Nous ne savons pas à quelle date a été réalisée cette copie de deux mètres et quelques de haut de ce symbole éminemment parisien, ni de quand date sa disparition, encore moins qui est l’auteur de cette initiative. Rappelons que la tour Eiffel métallique a été construite pour l’exposition universelle de 1889 et qu’elle était terminée au mois de mars de cette même année.
La tour Eiffel d'ossements et  la paroi actuelle
La tour Eiffel en 1919 (cliché Bibliothèque Nationale de France) et l’état actuel à droite

La photographie de cette tour Eiffel squelettique provient d’un reportage photographique d’au moins une dizaine de vue, réalisé en 1919. Elle est aussi évoquée dans un article de la revue Sciences et voyages intitulé Sous le sol de Paris. Une visite aux Catacombes qui renferment les ossements de 5 millions de Parisiens [5], sans date mais signé Henri Darblin [6]. Pour ce reportage, c’est Joseph Loiret lui-même – Inspecteur général des carrières de 1924 à 1929 – qui guida et renseigna le journaliste qui rédigea alors : « On circule, interminablement, dans des galeries où les lampes jettent des lueurs tremblantes ; et les parois de ces galeries sont faites d’ossements, rangés avec une macabre régularité, les crânes alignés de niveau, les extrémités des gros os formant parfois des dessins en relief, où l’on reconnaît un profil de monument, la Tour Eiffel… ».

Un autre décor composé de crânes (en forme de grande arche) est lui aussi assez moderne car réalisé après le comblement d’une galerie qui débouchait un peu plus loin que la pierre tombale de Françoise Gellain (et était autrefois simplement fermée par une grille).
Cette galerie existait encore dans les années 1970 puisqu’elle est visible sur le plan de la brochure Les Catacombes de Paris de J. Tomasini publié vers les années 1970.
Décor d'ossements en forme d'arche
Photographie récente (fin 2010) de la grande arche de crânes (cliché d’Emmanuel Gaffard)

Au moins deux décors se sont succédé lorsque la galerie a été remplie d’ossements. L’un est visible sur la série de diapositives de Henri Baranger, intitulés Les Catacombes de Paris, en vente au début des années 80 (vue numérotée 9 dans la série de 10, 17 dans celle intermédiaire de 20, et 29 dans la grande série de 36), l’autre est présenté ci-dessous, c’est le motif actuel dont la croix diffère quelque peu.


[1] Rapport sur les travaux de recherche et de consolidation, des carrières de Paris et du Département de La Seine depuis la création de l’Inspection générale jusqu’à ce jour, suivi de la proposition des travaux à faire dans le cours de l’exercice de 1810. Par Louis-Etienne-François Héricart de Thury, Ingénieur des Mines, Inspecteur Général des Carrières.
[2] Éminence des os servant à leur articulation ou à des attaches musculaires (définition du CNRTL, comme la note 4)
[3] Un article est à venir sur ce sujet
[4] Chacune des deux extrémités renflées d’un os long, constituées de tissu spongieux
[5] Merci à Tristan de nous avoir transmis ce document !
[6] Journaliste, novelliste et romancier de l’entre-deux guerres et de l’après-guerre

Les Catacombes de Paris dans les arts et les loisirs

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L’aménagement des Catacombes de Paris entre  1809 et 1815 par Héricart de Thury eut aussitôt un certain retentissement dans plusieurs milieux parisiens – artistiques, littéraires, aristocratiques, religieux, etc. Il devient “à la mode” de parcourir l’Ossuaire et les visiteurs plus ou moins illustres se suivent jusqu’à la fermeture administrative de 1833.
Poètes, romanciers, auteurs de bande dessinée… nombreux sont les artistes à être inspirés par ce monument souterrain.

La première création publiée (actuellement recensée) qui utilise le thème des catacombes parisiennes est un poème de Pierre Lebrun de 1812.
200 ans plus tard, l’Ossuaire des Catacombes de Paris a inspiré plus ou moins directement plusieurs dizaines d’œuvres ou jeux divers.  Le sujet est devenu un véritable ressort scénaristique, lorsqu’il n’est pas au cœur même de l’œuvre.
Bien entendu, par « Catacombes de Paris », nous entendons le musée des Catacombes (aussi nommé “l’Ossuaire officiel”) et non pas les anciennes carrières souterraines trop souvent, et depuis longtemps, improprement nommées « catacombes » (les œuvres présentant les anciennes carrières souterraines de Paris ou les souterrains artificiels sont beaucoup plus nombreuses mais nous n’aborderons cette matière qu’accessoirement…).

Les exemples ci-dessous permettent de se faire une idée de la variété et de la diversité de l’utilisation des Catacombes de Paris dans les arts et les loisirs.

Commençons pas cette aquarelle de Victor Hartmann, Les Catacombes (vers 1864-1868), extraite d’une série de dix peintures qui inspirèrent son ami le compositeur Moussorgski pour ces pièces pour piano Tableaux d’une exposition.


Viktor Hartmann s’est représenté avec Vasily Kenel et un employé de l’Inspection des Carrières – ce qui laisse supposer qu’il visita les Catacombes lors de son séjour en France entre 1864 et 1868

Continuons par ce poème de 1814, intitulé Le jour des morts dans les Catacombes de Paris, mystérieusement signé « M. F. Le V** » et dont voici un extrait :
C’est là que par pitié furent amoncelés
Des hommes d’autrefois les restes exilés,
Sans respect engloutis, étonnés d’être ensemble :
Que de siècles éteints cet abyme rassemble !

Poursuivons par le tome 2 du Polar de Renard, La nuit des Ravageons d’Imbar et Hubert avec ces vues réalistes de l’Ossuaire.

La nuit des Ravageons

Remarquez les crânes antropomorphisés…

N’oublions pas ce roman de la bibliothèque verte, Indiana Jones et l’ampoule radioactive, avec ce petit descriptif :
“Dès les premiers mètres, il n’en crut pas ses yeux. Des murs d’ossements s’élevaient jusqu’au plafond. Soigneusement rangés, ils formaient des motifs décoratifs. Du haut en bas, il y avait un chapelet de têtes de morts, puis une épaisseur d’os, encore un rang de crânes, une épaisseur d’os. Tous les mètres, deux tibias formaient une croix.”

Et terminons par le jeu vidéo Deus Ex, dont une partie se déroule dans des Catacombes directement inspirées de l’Ossuaire.

Des murs d’ossements sans aucun soutènement !

A travers différents articles, nous présenterons ces œuvres, les commenterons et les analyserons pour indiquer quels intérêts elles présentent pour les Catacombes de Paris.

Une visite royale en 1818 : le duc d’Angoulême dans les Catacombes de Paris

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La première visite officielle recensée des Catacombes de Paris date de 1787 et avait pour principal protagoniste le comte d’Artois (qui règnera sous le nom de Charles X à partir de 1824), frère de Louis XVI et du comte de Provence, futur Louis XVIII.
31 ans plus tard, soit le 10 avril 1818, c’est le fils aîné du comte d’Artois, Louis-Antoine de France, qui parcourt les Catacombes de Paris, en compagnie du comte de Polignac et du marquis de Lure Saluces comme en témoignent deux documents : un rapport d’Héricart et un article du Journal des débats politiques et littéraires du 12 avril 1818.

Bien entendu, Héricart de Thury s’est déplacé. Rappelons que, dans le Registre des  visiteurs, plusieurs témoignages écrits indiquent explicitement que l’Inspecteur ne participaient pas systématiquement aux visites menées par le conservateur des Catacombes Gambier. Mais pour un personnage du royaume aussi important, sa présence était obligatoire.
Le rapport [1] d’Héricart a d’ailleurs été adressé le jour même au Directeur Général des Mines et des Ponts et Chaussées, Louis Becquey dont il dépend.
L’article du Journal des débats reprend  presque mot pour mot le rapport d’Héricart et n’apporte aucun information complémentaire.
Nous savons ainsi qu’ils effectuèrent le trajet suivant : visite des Catacombes, passage à Port-Mahon, puis par l’aqueduc d’Arcueil, les carrières de Mont-Souris, de la Tombe-Issoire et retour par la grande route d’Orléans.

Duc d'Angoulême, duc de Polignac, archives nationales, Héricart de Thury

Un extrait du rapport d’Héricart qui prouve l’importance de la visite

Nous ne saurons sans doute jamais si les principaux protagonistes parlèrent politique mais le rapport précise tout de même que Son Altesse Royale s’enquit de la dimension religieuse du monument et de la sépulture donnée aux morts de la révolution. Il n’est donc pas inutile de présenter les différents visiteurs de ce 10 avril et de voir combien leur destin est lié.

Louis d'Artois, duc d'Angoulême

Son Altesse Royale, le duc d’Angoulême, Musée National de la Légion d’Honneur et des Ordres de Chevalerie

En 1818, Louis de France a 43 ans et est appelé “duc d’Angoulême” puisque son père n’est pas encore roi (lorsque celui-ci le deviendra en 1824, il prendra le titre de « dauphin »). Son oncle Louis XVIII n’ayant pas d’enfant, le duc d’Angoulême sait que son père (alors âgé de 61 ans) est le suivant dans l’ordre de succession au trône et que, lui-même étant l’aîné, il devrait succéder à son père et régner.

Il est accompagné de son aide de camp depuis 1814, Antoine-Marie-Henri-Amédée, marquis de Lure Saluces (aujourd’hui orthographié Lur-Saluces). Né au château Yquem en 1786, il décède à Madrid en 1823 lors de l’intervention française dirigée par le duc d’Angoulême pour rétablir Ferdinand VII sur son trône.

Comte de PolignacLes documents en notre possession ne nous permettent pas de savoir avec certitude de quel Polignac il s’agit, Jules de Polignac ou Melchior de Polignac (tous deux étaient comte). En revanche, le contexte historique et politique nous laisse fortement supposer qu’il s’agit de Jules qui partageait de nombreuses positions politiques avec le duc d’Angoulême et avec le vicomte Héricart de Thury : système monarchique, place du catholicisme dans la société, etc.
S’il s’agit bien de Jules de Polignac (âgé de 38 ans en 1818), il est amusant de noter que sa mère, Yolande Martine Gabrielle de Polastron, duchesse de Polignac, visita les Catacombes en 1788 en compagnie de Madame de Guiche (très certainement sa fille née Aglaé de Polignac – donc la sœur de Jules de Polignac), soit trente ans avant son fils. La mère ou la fille eurent-elles l’occasion de raconter leur visite des Catacombes à leur fils et frère ? En 1788, il avait 8 ans et était donc assez âgé pour recevoir un tel récit.
Enfin, précisons que la duchesse de Polignac, décédée exilée en 1793, était une intime de la reine Marie-Antoinette dont le futur Charles X était proche, elle connaissait donc Louis de France.

Jules de Polignac sera le dernier président du Conseil de Charles X à partir de novembre 1829. Sa politique ultra-royaliste entraîne la révolution de Juillet et la fin du règne de Charles X. Paradoxalement, les choix politiques et stratégiques de Jules de Polignac et de Charles X aux mois de juin et juillet 1830 auront des conséquences directes pour plusieurs des personnes présentes ce 10 avril 1818.
Ainsi, le duc d’Angoulême ne succèdera pas à son père (même s’il règnera pendant une vingtaine de minutes, entre l’abdication de Charles X et sa signature de l’acte de renonciation à la couronne, au profit de son neveu et filleul Henri d’Artois) et devra s’exiler.
Le dernier président du conseil de la Restauration sera emprisonné, exilé avant de pouvoir revenir mourir à Paris.
Enfin Héricart de Thury (trop marqué politiquement) sera mis à la retraite de l’Inspection des Carrières et de la Direction des Travaux de Paris et ne sera plus conseiller du canton de Betz.


[1] Consultable aux archives nationales sous la référence Héricart CARAN F14 2728 1.