La première visite officielle recensée des Catacombes de Paris date de 1787 et avait pour principal protagoniste le comte d’Artois (qui règnera sous le nom de Charles X à partir de 1824), frère de Louis XVI et du comte de Provence, futur Louis XVIII.
31 ans plus tard, soit le 10 avril 1818, c’est le fils aîné du comte d’Artois, Louis-Antoine de France, qui parcourt les Catacombes de Paris, en compagnie du comte de Polignac et du marquis de Lure Saluces comme en témoignent deux documents : un rapport d’Héricart et un article du Journal des débats politiques et littéraires du 12 avril 1818.
Bien entendu, Héricart de Thury s’est déplacé. Rappelons que, dans le Registre des visiteurs, plusieurs témoignages écrits indiquent explicitement que l’Inspecteur ne participaient pas systématiquement aux visites menées par le conservateur des Catacombes Gambier. Mais pour un personnage du royaume aussi important, sa présence était obligatoire.
Le rapport [1] d’Héricart a d’ailleurs été adressé le jour même au Directeur Général des Mines et des Ponts et Chaussées, Louis Becquey dont il dépend.
L’article du Journal des débats reprend presque mot pour mot le rapport d’Héricart et n’apporte aucun information complémentaire.
Nous savons ainsi qu’ils effectuèrent le trajet suivant : visite des Catacombes, passage à Port-Mahon, puis par l’aqueduc d’Arcueil, les carrières de Mont-Souris, de la Tombe-Issoire et retour par la grande route d’Orléans.
Un extrait du rapport d’Héricart qui prouve l’importance de la visite
Nous ne saurons sans doute jamais si les principaux protagonistes parlèrent politique mais le rapport précise tout de même que Son Altesse Royale s’enquit de la dimension religieuse du monument et de la sépulture donnée aux morts de la révolution. Il n’est donc pas inutile de présenter les différents visiteurs de ce 10 avril et de voir combien leur destin est lié.
Son Altesse Royale, le duc d’Angoulême, Musée National de la Légion d’Honneur et des Ordres de Chevalerie
En 1818, Louis de France a 43 ans et est appelé “duc d’Angoulême” puisque son père n’est pas encore roi (lorsque celui-ci le deviendra en 1824, il prendra le titre de « dauphin »). Son oncle Louis XVIII n’ayant pas d’enfant, le duc d’Angoulême sait que son père (alors âgé de 61 ans) est le suivant dans l’ordre de succession au trône et que, lui-même étant l’aîné, il devrait succéder à son père et régner.
Il est accompagné de son aide de camp depuis 1814, Antoine-Marie-Henri-Amédée, marquis de Lure Saluces (aujourd’hui orthographié Lur-Saluces). Né au château Yquem en 1786, il décède à Madrid en 1823 lors de l’intervention française dirigée par le duc d’Angoulême pour rétablir Ferdinand VII sur son trône.
Les documents en notre possession ne nous permettent pas de savoir avec certitude de quel Polignac il s’agit, Jules de Polignac ou Melchior de Polignac (tous deux étaient comte). En revanche, le contexte historique et politique nous laisse fortement supposer qu’il s’agit de Jules qui partageait de nombreuses positions politiques avec le duc d’Angoulême et avec le vicomte Héricart de Thury : système monarchique, place du catholicisme dans la société, etc.
S’il s’agit bien de Jules de Polignac (âgé de 38 ans en 1818), il est amusant de noter que sa mère, Yolande Martine Gabrielle de Polastron, duchesse de Polignac, visita les Catacombes en 1788 en compagnie de Madame de Guiche (très certainement sa fille née Aglaé de Polignac – donc la sœur de Jules de Polignac), soit trente ans avant son fils. La mère ou la fille eurent-elles l’occasion de raconter leur visite des Catacombes à leur fils et frère ? En 1788, il avait 8 ans et était donc assez âgé pour recevoir un tel récit.
Enfin, précisons que la duchesse de Polignac, décédée exilée en 1793, était une intime de la reine Marie-Antoinette dont le futur Charles X était proche, elle connaissait donc Louis de France.
Jules de Polignac sera le dernier président du Conseil de Charles X à partir de novembre 1829. Sa politique ultra-royaliste entraîne la révolution de Juillet et la fin du règne de Charles X. Paradoxalement, les choix politiques et stratégiques de Jules de Polignac et de Charles X aux mois de juin et juillet 1830 auront des conséquences directes pour plusieurs des personnes présentes ce 10 avril 1818.
Ainsi, le duc d’Angoulême ne succèdera pas à son père (même s’il règnera pendant une vingtaine de minutes, entre l’abdication de Charles X et sa signature de l’acte de renonciation à la couronne, au profit de son neveu et filleul Henri d’Artois) et devra s’exiler.
Le dernier président du conseil de la Restauration sera emprisonné, exilé avant de pouvoir revenir mourir à Paris.
Enfin Héricart de Thury (trop marqué politiquement) sera mis à la retraite de l’Inspection des Carrières et de la Direction des Travaux de Paris et ne sera plus conseiller du canton de Betz.
[1] Consultable aux archives nationales sous la référence Héricart CARAN F14 2728 1.