Suite et fin de la première : Les plans et les repères cartographiques et de la deuxième partie : Les documents administratifs
Les consolidations d’Héricart
Lorsque la décision de créer les Catacombes de Paris est prise, les galeries et les vides souterrains choisis pour accueillir les ossements sont alors extra-muros, puisque situés en dehors du mur des Fermiers Généraux qui délimite Paris depuis 1784 [1]. Les Catacombes ne deviennent véritablement parisiennes que le 1er janvier 1860 lors de l’annexion des communes suburbaines.
Une des premières décisions que prend Héricart de Thury en arrivant à l’Inspection des Carrières, est de faire conforter et aménager l’Ossuaire des Catacombes, alors situé sous la plaine de Montrouge, donc à la campagne. Peu de travaux de consolidation furent nécessaires puisqu’il y avait peu de bâtis à la surface…
Ce plan de 1821 (extrait de la carte Paris et ses principaux monuments en MDCCCXXI, Gallica) montre les rares constructions au sud de la barrière d’Enfer
En revanche, les dégradations consécutives à l’évolution naturelle d’une carrière, associée à un manque d’entretien consécutif à une période historique pour le moins troublée, “Le désordre et la confusion où l’état d’abandon dans lequel les Catacombes restèrent pendant la révolution ; les éboulemens qui eurent lieu à différentes époques dans leur intérieur ; […] l’état de péril imminent que présentait, en beaucoup d’endroits, le ciel de la carrière, fendu, lézardé et prêt à s’abîmer” furent les raisons qui déterminèrent Héricart de Thury “à reporter dans les Catacombes une partie du grand atelier d’ouvriers établis pour la consolidation des excavations situées sous le cours de l’aqueduc d’Arcueil” nous dit-il pages 214-215 de sa Description des Catacombes de Paris.
Et dans son Rapport sur les travaux de recherche et de consolidation des carrières de Paris, daté de 1810, Héricart apporte plusieurs précisions sur les travaux dans les Catacombes. Ainsi, il indique que “pour les catacombes on a fait 251 mètres [de consolidation] de 260 qui avaient été jugés nécessaires”. Ce qui représente un coût de 904 francs pour l’aqueduc d’Arcueil et pour les Catacombes, sachant que les cales et les hagues sont à 4 francs l’unité.
Rappelons qu’Héricart avait, dès les premiers travaux de consolidation des Catacombes, le désir de faire du lieu un monument funéraire religieux (voir notre ouvrage Inscription des Catacombes de Paris pages 24-25).
Donc plutôt que de faire réaliser de simples massifs de maçonnerie “partout où la nécessité en fut reconnue”, il les dissimule astucieusement en ouvrages architecturaux ou religieux “nobles et analogues à la localité”.
La juxtaposition du plan représentant l’autel du Sacellum et la photographie de la confortation elle-même montre bien la démarche consolidative et décorative de l’Inspecteur de Thury
Ainsi en est-il du pilier du Memento, du tombeau de Gilbert (dit aussi sarcophage du lacrymatoire), du pilier de l’Imitation, de la lampe sépulcrale, du grand pilier des Nuits clémentines, de l’autel du Sacellum [2] “dans un endroit où le ciel, lézardé de toute part dans le voisinage d’un fontis ou grand éboulement, exigeait de nombreux piliers et des murs de soutennement”, etc. (voir la liste complète pages 219-220 de l’ouvrage d’Héricart)
Cette photo du grand pilier des nuits Clémentines met en évidence le bord du ciel tombé qu’il soutient : « Ce pilier, qui est situé sous la tombe Isoire, ayant été jugé nécessaire pour soutenir le ciel de la carrière qui présentait des fentes et des lézardes très-multipliées, je lui fis donner de fortes dimensions pour résister à la grande pression à laquelle il devait être opposé, ce pilier se trouvant dans un partie basse de masse de pierre, dont les couches sont inclinées vers la vallée de Gentilly, et entre lesquelles il existe des sources et des infiltrations qui déterminent souvent au loin des glissemens et des affaissemens partiels ». In Description des Catacombes de Paris, page 294.
Et pour finir, bien que postérieurs à Héricart, mentionnons les quatre principaux fontis [3] sous lesquels passent les visiteurs dans le parcours les menant à la sortie des Catacombes. Ils ont été consolidés après l’annexion de 1860, quand cette partie du sous-sol est devenue véritablement parisienne. Ces travaux de mise en sécurité, tant pour la surface que pour le public des Catacombes, datent de 1874-1875, après modification de la sortie.
L’impressionnante hauteur d’un fontis consolidé donne une idée du danger que représente un sous-sol non entretenu…
[1] En créant ce cimetière souterrain le long d’une voie d’accès à Paris, on revenait ainsi à la tradition romaine, période pendant laquelle les lieux de sépultures étaient le long des routes menant aux villes.
[2] d’après l’inspecteur, cet autel serait « copié sur un magnifique tombeau antique en marbre, découvert entre Vienne et Valence, sur les bords du Rhône, il y a quelques années » mais nous n’en avons pas retrouvé la moindre trace).
[3] Ils en côtoient en fait une dizaine différents, passant dessous ou les contournant, dont les deux ultimes sont particulièrement mis en exergue de manière très pédagogique.